LE DEUIL

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Qu’il survienne de façon soudaine ou après une longue maladie, le décès d’un parent, repère de vie essentiel, marque un tournant dans la vie de l’enfant adulte. Analyse de ce deuil spécifique.
Un jour, alors qu’on est soi même parvenu à l’âge adulte, notre parent décède. Que sa mort survienne de façon soudaine ou après une longue maladie, elle marque un tournant dans la vie de l’enfant adulte qui se retrouve alors orphelin de père ou de mère. Le vécu de ce tournant intérieur est parfois subtil, sans incidence majeure sur le cours de la vie, parfois chaotique quand il fragilise l’enfant adulte sur ses bases, au point de parasiter son quotidien.

L’enfant adulte va suivre les étapes du deuil classiques, mais il s’ajoute ici des spécificités qu’il est important de comprendre, l’enfant adulte étant parfois dérouté par l’intensité de son ressenti à la mort de son parent.

Un sentiment de vulnérabilité
La perte d’un parent induit parfois au fil des mois un sourd sentiment de vulnérabilité ou d’insécurité. De façon plus ou moins consciente et même si ce parent a été dysfonctionnel au cours de sa vie, le Parent (avec un « P » majuscule – c’est à dire le « parent idéal ») représente, dans l’absolu, l’ultime refuge de l’enfant face aux assauts de la vie, le lieu de sécurité où il peut toujours revenir quand il se sent en insécurité dans son existence. La perte de cette représentation inconsciente et idéalisée du Parent (qu’elle corresponde ou non à une réalité traduit également la perte d’une source d’amour inconditionnel, ainsi que la perte d’un repère de vie essentiel pour l’enfant- qu’il soit petit ou adulte.

Pour l’enfant adulte d’ailleurs, la perte équivaut à une perte partielle de son histoire d’enfant: son parent était, de fait, dépositaire de souvenirs de lui/elle, enfant, et plus personne désormais ne pourra évoquer ces souvenirs d’autrefois. Ils disparaissent avec ce parent… Ce n’est donc pas qu’un parent que l’on perd, on perd aussi une partie de son être et un pilier de sécurité de son existence (même si le parent du Réel n’était peut être pas ce parent « pilier de sécurité »; on perd davantage la représentation de ce qu’on aurait espéré que ce parent soit).

Ainsi, même si la relation avec son parent n’était pas harmonieuse, beaucoup ont la surprise de constater qu’ils/elles sont très touchés et affectés par son décès: en effet, au-delà de la peine de la perte de ce parent du réel, c’est le Parent Archétypal, le Parent Protecteur qui meurt et on se retrouve orphelin de ce Parent là.

Une disparition qui ferme la possibilité de dialogue et de réparation
Le décès du parent met l’enfant adulte au pied du mur: si la relation a définitivement toute possibilité de dialogue et de réparation des griefs d’autrefois. C’est ce que la psychiatre Elisabeth Kübler Ross (Les derniers Instants de la Vie) nomme l’ « unfinished business » ou les « affaires en suspens ». Il s’agit de tout ce qu’on ne pourra plus « régler » avec son parent, du fait de son décès. L’enfant adulte se retrouve seul avec sa colère ou son ressentiment vis-à-vis des carences de son parent au cours de leur relation. Il doit renoncer à recevoir l’amour dont il estime peut être avoir été privé, il doit renoncer à ces explications dont il pense avoir tant besoin pour avancer dans sa propre vie -discussions qu’il n’a jamais pu avoir avec son parent de son vivant- il est aujourd’hui privé de l’opportunité de dire à son parent son amour, alors qu’il n’a jamais su ou osé le faire auparavant, il ne peut plus lui dire « pardon » ou lui accorder son pardon. Il se fait le reproche de toutes ses occasions perdues de nommer ce qui aurait pu l’être, en remettant toujours ces échanges à plus tard, jusqu’à ce qu’il soit aujourd’hui trop tard.

Tout ceci souligne combien il est essentiel de tenter (avec succès ou non) d’ouvrir le dialogue avec son parent, de son vivant, si on porte en soi des mots -et des maux- qu’on a besoin d’échanger avec lui. Cela reste possible jusqu’aux derniers instants, dans l’accompagnement de fin de vie ou même lors de l’ultime au revoir. C’est l’opportunité, si on peut la saisir, si le parent s’y ouvre lui même et si les circonstances le permettent, de faire enfin la paix et de se débarrasser de pesanteurs qui se manifesteront presqu’inévitablement durant le deuil. C’est peut être là aussi où l’enfant adulte accepte de « lâcher prise » et de renoncer définitivement à obtenir coûte que coûte réparation de ses griefs (réels ou non) à l’égard de son parent. La névrose parvient parfois à s’incliner devant la mort.

Le moment de prendre soin de « l’autre parent »
Le décès d’un parent expose l’autre parent à la solitude, s’il est encore vivant. L’enfant adulte se retrouve alors avec la tâche de prendre soin à la fois de son deuil et de celui de son parent. Il prend également conscience qu’il peut être amené à s’occuper -voire même prendre en charge- son parent en deuil dans la gestion de son quotidien, au point parfois de devenir le « parent de son propre parent » avec toute le trouble qu’induit une telle situation. C’est là où la fratrie est soumise à une forte pression: qui va s’occuper de Maman? Qui va prendre en charge Papa?
L’enfant adulte va très souvent se rendre compte qu’il a du mal à trouver sa place dans le deuil de son parent: tandis qu’il a besoin que son parent valide sa peine d’avoir perdu son autre parent, il constate que son parent fait peu de cas de sa peine, tant il est happé par sa propre souffrance! L’autre parent se vit avant tout comme un conjoint en deuil et sa vie s’effondre par la perte de son compagnon ou sa compagne de vie: il lui est difficile d’accorder attention à la peine de ses enfants, la considérant parfois comme mineure ou moindre par rapport à la sienne. Cela peut être difficile à vivre pour les enfants qui auraient besoin d’un minimum de reconnaissance de ce qu’ils traversent émotionnellement, faisant le triste constat que leur parent en deuil n’a parfois même pas conscience de leur tristesse. Ils n’ont pas d’autre choix que de lâcher leur attente et c’est un autre renoncement auquel ils doivent faire face.

Un étrange sentiment de soulagement
L’enfant adulte a parfois un troublant ressenti de soulagement au décès de son parent. Ceci n’est absolument pas en contradiction avec le fait qu’il souffre de la disparition de son parent qui aimait peut être plus que tout. Ce soulagement -qui n’est bien sûr pas présent chez tous les enfants adultes en deuil- est très subtil et se décline sur deux axes: le premier est un soulagement face à l’arrêt de la souffrance de son parent -celui-ci ne doit plus désormais s’épuiser à lutter contre son cancer, il est enfin affranchi de l’enfer de l’Alzheimer etc. Sa mort signe la fin de ses tourments et ceci est source d’apaisement pour l’enfant adulte.

Le deuxième axe est plus intime. Le parent a été celui qui a régi une partie de l’existence de l’enfant. Son influence, son jugement, ses critiques parfois affectent et influencent profondément l’enfant, même quand celui-ci atteint l’âge adulte. Combien d’hommes et de femmes adultes continuent à moduler leurs choix et leurs décisions (consciemment ou non) en fonction de ce qu’ils croient que leur parent va en penser? Avec le décès du parent, c’est comme si l’ « Oeil de Moscou » se fermait à tout jamais: l’enfant adulte n’a plus de « compte à rendre », il n’a plus de décisions à prendre en prenant plus ou moins consciemment en compte les jugements ou critiques potentielles de son parent. La mort du parent réduit son emprise psychique sur l’enfant adulte, même s’il n’avait pas conscience d’être sous cette influence.

Il en résulte souvent un sentiment de liberté que l’enfant adulte ne parvient pas toujours à s’expliquer. Il se culpabilise même de ressentir cet embarrassant soulagement, alors même que son parent est décédé et qu’il se dit qu’il devrait être totalement écrasé de douleur. Ce sentiment n’est pas antinomique de la peine, il n’est pas non plus antinomique de l’amour: même des personnes ayant des relations paisibles avec leur parent peuvent éprouver ce subtil ressenti de liberté. Il n’a pas lieu de se culpabiliser. C’est un mouvement naturel du deuil qui parle de l’affranchissement intérieur d’une contrainte psychique parfois inhibante.
Le soulagement provient également du constat que le processus de deuil ouvre, au fil des mois ou des années, à une relation intérieure plus pacifiée et plus profonde avec son parent, comme si le travail de deuil permettrait de « nettoyer » les composantes névrotiques de la relation pour n’en conserver que les aspects positifs.

Devenir (enfin!) adulte
Il est étonnant de souligner, au delà de la peine du deuil, combien beaucoup d’enfants adultes ayant perdu un ou deux de leurs parents rapporte un sentiment de devenir enfin adulte « dans leur tête ». Ils ne sont plus les enfants de quelqu’un. Ils prennent davantage conscience de leur propre mortalité, ce qui peut induire une certaine urgence à s’accomplir dans toutes les dimensions de leur être avant de disparaître à leur tour.
On peut aussi se sentir plus adulte en intégrant en soi ce parent disparu. Par ce qu’on appelle les « identifications positives », on fait vivre son parent à travers soi par tout ce que l’on est devenu grâce à lui: on lui rend hommage par la transmission à ses propres enfants des valeurs ou principes de vie qu’il nous a transmis, on poursuit une action en son nom ou un projet qui lui tenait à coeur et que l’on s’approprie… On comprend en quoi ce parent nous a inspiré et combien on a grandi grâce à lui. Il s’élève alors en soi un doux mouvement de gratitude quand on mesure alors tout l’amour qui nous a été donné- sans compter.

Le Dr Christophe Fauré est psychiatre – psychothérapeute en pratique libérale à Paris. Il est auteur de nombreux ouvrages chez Albin Michel, dont Vivre le deuil au jour le jour, Après le suicide d’un proche, et Comment t’aimer toi et tes enfants? Le défi de la famille recomposée, Albin Michel.

de Pierre PLANTE, art-thérapeute et psychologue

J’apprécie cette vision des choses aussi :

C’EST QUOI L’ART-THERAPIE ?

C’est ouvrir le spectre de l’expression de soi. La peinture, le dessin, la musique ou la danse sont tous des moyens d’expression. La parole en est un aussi, mais on a souvent tendance à la surévaluer en disant: «On est adultes, on a sûrement les mots pour le dire» – mais non!
Parfois, il y a des émotions fortes qui émanent de la perte, que ce soit la fin d’une relation amoureuse, la mort ou la maladie. C’est quelque chose de corporel. On n’a pas les mots pour traduire ça. C’est là que l’art, chez les adultes, prend tout son sens.
Ça arrive plus spontanément chez les enfants, parce que les enfants utilisent déjà tout ce registre, et bien souvent l’expression artistique a plus de sens pour traduire une expérience de leur vie.
C’est-à-dire que les enfants possèdent des outils auxquels les adultes n’ont plus accès?
Ce qui est intéressant, dans l’enfance, c’est que l’enfant n’accède pas tout de suite à ce développement, il n’est pas dans une pensée logique. En termes de développement, il n’est pas rendu là. Par contre, il explore son monde avec tous ses sens.
Lorsqu’un client me présente son problème de manière rationnelle, logique, et qu’il ne trouve pas de solution, on va aller voir ce que l’imaginaire a à nous dire.
Je vais lui demander: «Mais qu’est-ce que l’enfant fait?» Si on revient au développement, le premier stade, c’est le gribouillage.
«Il s’agit de puiser dans la créativité et la richesse de l’enfance qu’on a en nous, pour essayer de grandir. C’est une régression au service du moi.»
Donc, il faut redevenir un enfant pour pouvoir accéder à d’autres moyens d’expression?
Le but, ce n’est pas de devenir un enfant, c’est de puiser dans ce que les adultes sont eux-mêmes. On est tous passés par ces stades-là dans nos vies. Autrement dit, il s’agit de valoriser ces étapes dans notre développement comme des forces pour résoudre des problèmes.
Il faut raconter d’une autre manière notre problème, déconstruire le problème, et à la fin, on peut commencer à résoudre le problème. Il y a un cycle. La première phase, c’est celle de l’imagination, celle où je retransforme le monde, où j’ai intuitivement senti qu’il y avait un problème. Et là, il y a une régression: c’est l’intuition. Je sens qu’il y a quelque chose, qu’il faut que je l’explore. Il y a un moment où on perd pied, on est dans la noirceur, on se permet de faire les pires niaiseries. On va vouloir générer le plus d’idées possible, multiplier les regards possibles sur un problème et, dans un deuxième temps, ramener la pensée rigoureuse. À travers toutes ces idées folles, laquelle a du sens?
L’adulte doit élargir sa manière d’être, sa manière de travailler.
On n’a pas l’impression que les adultes sont valorisés lorsqu’ils agissent comme des enfants…
La grande majorité des adultes ont perdu cette capacité de jeu, parce qu’on est une société axée sur la performance, sur la capacité à prévoir les mauvais coups, à planifier des choses, à penser avec rigueur. La rationalité, ce n’est qu’une facette. Si on est trop là-dedans, c’est un problème.
Pour être créatif, il faut que je baisse la censure, il faut que je ramène cette capacité à jouer. Nous, les adultes, à cause de notre éducation, des valeurs de notre société, du jugement qu’on peut avoir par rapport au jeu, restons coincés dans notre carcan.
Bien souvent, les gens perçoivent l’art, dans la vie adulte, comme occupationnel, comme un travail. Ce qui fait que, dans nos écoles, si on a à couper quelque part, on coupe où? Dans les arts.
Il y a un problème dans l’enseignement des arts au primaire?
Il ne faut pas penser que tous les enseignants du primaire fonctionnent de cette manière-là, mais en général, les valeurs de la société font en sorte qu’on se dirige vers la pensée rationnelle
et rigoureuse.
Le problème, au primaire, c’est qu’on donne des tâches à des gens qui n’ont pas de formation en art, et qui vont penser qu’une sculpture, par exemple, doit être évaluée avec des critères de réussite bien/mal avec un «gagnant», alors que ça n’a rien à voir.
On met trop l’accent sur la pensée rationnelle et rigoureuse. Quand un enfant va proposer une vision différente d’une réponse ou tout simplement répondre «je ne sais pas» à la question, le professeur va soupirer ou les autres enfants vont dire : «T’es ben niaiseux; comment ça tu ne comprends pas?
Ça fait trois fois que tu poses la même question.» On apprend très vite à se taire, on apprend très vite à se conformer. Alors, on apprend à ne plus essayer
de voir les choses autrement.
Qu’est-ce qu’un adulte occupé peut faire pour explorer d’autres moyens d’expression?
Tout le monde est pris dans son travail, qui est souvent exigeant. Mais certains se réservent une heure par jour pour jouer, pour expérimenter. Ils ont créé dans leur appartement un espace pour la création. Juste pour traduire, sublimer, jouer avec les médiums.
En thérapie, on amène le client à réaliser que cet espace est essentiel, qu’il fait du bien. Déconnecter, on en a besoin, et on a besoin de cet espace de jeu.

De Pierre PLANTE, art-thérapeute et psychologue

Le rire du CLOWN

Le rire du CLOWN

Seul le rire du CLOWN ne suffit pas , mais  au coeur de son attention et de son écoute sincère, de sa relation humaine avant tout, il nous révèle l’ essentiel de ce qui vit et vibre en chacun/ne de nous. Quel que soit notre âge, petit, jeune, ou vieux,  c’est peut-être toujours l’enfant en nous qui est blessé ?

VICTIMES de VIOLENCES CONJUGALES

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Appelez le 3919

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ASSOCIATION FIT : une femme un toit, spécialiste de la lutte contre les violences faites aux femmes:

  • contact@associationfit.org
  • TEL / 01-44-54-87-90
  • Site : www.associationfit.org
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Claude Halmos : Comment résister à la crise

Dans son dernier livre, Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, la psychanalyste Claude Halmos dénonce l’impact désastreux de la crise. Et propose des pistes pour amorcer la résistance. (Hélène Fresnel)

Psychologies : Vous dénoncez le silence des psys et des médias sur les souffrances liées à la crise économique. Pourquoi écrire sur ce sujet aujourd’hui ?
Claude Halmos : Parce que je vis en France en 2014 et qu’il m’a toujours paru important d’inscrire la psychanalyse dans le social. Or, dans mon métier, mais aussi dans ma vie quotidienne de citoyenne, je m’aperçois que la crise économique a donné naissance à une crise psychologique, qui provoque de plus en plus de souffrances dont personne ne parle. La presse se fait le relais de cette situation, mais au pluriel, rarement au singulier. On dit par exemple : « Les Français ont peur du chômage. » Mais on donne rarement la parole à chacun d’entre eux pour qu’il raconte et explique sa peur. Nous ne mesurons pas le retentissement de cette réalité insupportable sur le psychisme des hommes, des femmes, des enfants et des familles. Je me suis toujours préoccupée de l’impact de la réalité sur les êtres. En 1992, j’ai été la deuxième psy après Serge Leclaire à participer régulièrement à une émission sur les problèmes « psy » [La Grande Famille sur Canal +, ndlr]. Aujourd’hui, l’intime est étalé partout, mais quand nous avions commencé, l’émission avait fait un bien extraordinaire : elle avait démontré que ces problèmes dont personne n’osait parler étaient dicibles et, surtout, qu’ils concernaient beaucoup de monde.

[…]

La suite de l’entretient sur www.psychologies.com :  Claude Halmos : Comment résister à la crise

Bergson – La création de soi par soi

Bergson – La création de soi par soi

« L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus pré­cieux encore que l’œuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. Or, cet effort n’eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu’elle oppose et par la docilité où nous pouvons l’amener, elle est à la fois l’obstacle, l’instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l’empreinte et en appelle l’intensification. Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même […] »

La suite de l’article est ici:  Bergson – La création de soi par soi

 


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